Le catalogue de l'exposition « Fukami » qui propose une plongée dans « l'essence de l'esthétique japonaise » et qui a eu lieu dans l'hôtel Rothschild à Paris en 2018 est un cas particulier d'objet décrivant les modes d'existence d'un collectif autre. En effet, si le public visé est français, le producteur est japonais et présente l'art de son pays comme fondamentalement différent. En suivant Jean Davallon, l'unité de sens dans une exposition dévoilant ce type d'esthétique n'est pas synthétique, mais renvoie à un « monde utopique ». Dès lors, en nous attachant à la notion d'animisme, nous interrogerons les modalités de la « situation de connivence » qui se constituent entre le lecteur et le producteur de l'exposition.
L'animisme est décrit ici sous une « dialectique du flottement » et produirait une relation particulière avec le monde non humain, en particulier celui animal. Nous chercherons à saisir le modèle interprétatif des objets mis en œuvre, cela à travers l'histoire de l'animisme au Japon et par les références anthropologiques citées dans le texte. Nous recourrons ensuite au domaine de l'histoire des idées du Japon pour dépasser les apories opposant Orient et Occident. Avec la notion de « romantisme de la praxis » que Michael Lucken utilise pour qualifier le contexte des années 1930 au Japon, nous tenterons de nommer le type de relation qui actualise ici une altérité sous la forme d'un collectif en harmonie avec les non-humains, sous le totem d'un animisme esthétique.
Notice bio-bibliographique de l'auteur :
Frédéric WEIGEL mène une réflexion pluridisciplinaire issue de sa pratique artistique et de celle de l'organisation d'expositions avec le centre d'art indépendant le « Palais des paris » qu'il a fondé à Takasaki au Japon. Il tente actuellement d'articuler certaines figures empiriques issues de sa pratique en terre éloignée avec les discours de domaines spécialisés, afin d'en faire émerger les hiatus et les complexités d'appréhensions. Il a récemment publié « En marge de la “marge” japonaise » dans Nouvelle revue d'esthétique, n° 29, 2022, pp. 93-100.